Constantine / Femmes élues en Algérie : à quand une participation féminine effective dans les assemblées locales ?
Depuis l’entrée en vigueur de la loi organique des quotas en 2012, fixant les modalités d’accès pour les femmes aux assemblées élues, à un taux de 30%, l’exercice des droits politiques des femmes est devenu concret en Algérie. Même dans les régions les plus conservatrices, à Constantine, troisième ville du pays, la loi des quotas a concrétisé la présence des femmes dans les assemblées locales.
Dès l’application de la loi, les partis politiques ont été confrontés à certaines limites, notamment dans l’établissement d’une liste de candidats comportant 30% de femmes. En effet, nombre de femmes ont éprouvé en 2012 de la réticence à s’engager politiquement du fait de la perception négative du domaine politique. Mais en 2017, la donne change, l’engagement des femmes est beaucoup plus important, notamment lors des dernières élections locales de 2017. Il semblerait que la perception vis-à-vis de la politique ait changé.
Et les chiffres sont là pour confirmer ce fait. A titre d’exemple, l’Assemblée populaire communale de Constantine ne comptait en 2012 que cinq femmes élues, alors que la même assemblée compte désormais neuf femmes élues, cinq ans plus tard.
L'introduction de l'article 31 bis qui prévoit la promotion des droits politiques des femmes, a permis une augmentation significative de la présence des femmes dans les assemblées élues, tant locales que nationales. Passant de 30 députées sur 389 en 2007 soit 7,7%, à 146 femmes élues sur 462 députés soit 31,60% en 2012.
Selon Nadir Amireche, nouveau président de l’Assemblée Populaire de Constantine : « A travers l’application de la loi des quotas, depuis 2012, l’exercice des droits politiques des Algériennes est devenu très visible », citant l’expérience de trois femmes ayant présidé des commissions importantes au sein de l’Assemblée. Il qualifie aussi de l’application de la loi « d’expérience encourageante dans la mesure où auparavant, l’engagement des femmes en politique était un tabou dans notre société ».
Quelles sont les limites de l’application de la loi sur le terrain ?
Si on note des avancées significatives en termes de participation politique des femmes, leur présence au sein de postes à responsabilité, dans les assemblées élues, est plus rare.
Un fait confirmé par Hayet Nezzar, une ancienne élue de l’APW de Constantine : « L’activité des femmes élues reste intimement liée à l’action des hommes, du fait du contexte culturel et social qui limite les initiatives des femmes en politique. L’enracinement des stéréotypes, estimant que les femmes ne sont pas « mures politiquement », empêche l’ascension des femmes dans des postes de direction dans les assemblées élues ». Les élus masculins s’appuient sur des motifs religieux pour justifient leurs positions, à partir de faibles hadiths, indique Hayet Nezzar.
Outres l’écartement des femmes des postes de direction, au niveau des assemblées locales, il existe d’autres pratiques fréquentes dans l’établissement des listes électorales. Il semblerait que certaines formations politiques, notamment le FLN et le RND, choisissent délibérément des femmes ayant un parcours politique faible ou inexistant. Selon l’affirmation de Safinez Aouiche, élue impliquée depuis des années dans le mouvement associatif, « les partis politiques ne veulent pas encadrer les femmes élues, et préférant des candidatures de femmes à la personnalité effacée et qui ne pèse pas au sein des partis et assemblées. C’est une manière de contourner la loi des quotas pour que les femmes ne s’affirment pas politiquement ».
Si, avant 2012, la participation politique des femmes était insignifiante, la loi sur les quotas a permis des avancées réelles. Cependant son application dans les faits connait des limites. L’ascension politique des femmes reste confrontée à une mentalité et une pratique qui refusent de voir des femmes évoluer dans les sphères de décision.
Chahinez Djahnine et Moufida Trifi
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