Biskra : Femmes d’hier et d’aujourd’hui.

Abdelhamid Zekiri a commencé le journalisme à la fin des années 1970 à Biskra. Au fil des décennies, il a vu la ville se métamorphoser et les femmes ont lentement été éclipsées des espaces publics. De sorte qu’aujourd’hui leur participation aux activités culturelles et citoyennes a été effacée de la mémoire collective. Abdelhamid se souvient avec nostalgie des femmes actives de Biskra.   


Parler de Biskra surtout à ceux qui ne l’ont jamais visité ou connue, c’est une grande aventure. Tant dans l’imaginaire des gens du nord du pays, pour qui entrevoit la ville comme une oasis en plein désert avec comme toile fond des tentes, des chameaux et un espace infini. Pourtant c’est l’une des plus anciennes villes d’Algérie qui a vu défiler plusieurs civilisations qui tour à tour ont laissées des traces indélébiles.
Si à travers les textes connus ou méconnus, les écrits laissés par les nombreux auteurs, on parle souvent du Biskri, il est très rare de trouver des textes réservés à la femme de Biskra.
Parmi ceux qui l’ont immortalisée on trouve Henri Matisse, le célèbre peintre français qui avait peint « le nu bleu » légué comme un héritage à cette femme de Biskra (photo), celle-ci n’apparait que comme un décor sur des toiles des orientalistes en quête d’exotisme.
Pourtant la femme a de tout temps été présente dans la vie active, sociale, économique et politique de la région.
Durant l’occupation, malgré les contraintes, la misère et le conservatisme des familles, elle s’est toujours frayée un chemin la guidant vers de nouveaux horizons.
Elles étaient belles nos femmes sur leurs vélos, parfois sur un Solex qui faisait envier bien des dames venues d’ailleurs. Cheveux dans le vent, une jupe plissée, avec un chapeau qui les protégeaient du soleil, elles étaient semblables à celles qu’on montrait sur les plaques publicitaires.
La femme de Biskra était présente à toutes les activités culturelles : cinéma, théâtre, sport (tennis ou athlétisme). On l’a trouvait également à la biblifiche , une sorte de bibliothèque qui regroupait les férus de lecture et de cinéma où elles assistaient aux séances projections /débats. Le plus souvent elles se distinguaient par leurs analyses pertinentes sur des scènes que bon nombre de spectateurs éprouvaient des difficultés pour en connaitre le sens.
Durant les fêtes de Biskra, elles n’hésitaient pas à aller aux traditionnelles courses de chevaux et le soir venu aux bals organisés par diverses associations musicales que comptait Biskra, les Véscériens entre autres.
Le café le Glacier, l’hôtel l’Oasis, le Casino étaient les lieux de rencontres des familles et des visiteurs qui prenaient acte des degrés de civilisation de celles qu’on prenait par méconnaissance pour une bédouine.
 Les stations thermales étaient les lieux privilégiés des femmes de Biskra, ici il y avait un mélange du traditionnel et du moderne. Celles en quête de la Baraka des Salihine (les saints) pour les autres c’était la détente et la relaxation des bienfaits des eaux chaudes. Entre les unes et les autres c’était surtout la convivialité comme point commun.
Au travail, on trouvait les femmes en milieu hospitalier, dans l’éducation, les impôts, la poste, il y avait même une mécanicienne que tout le monde aimait et appelait affectueusement Messaouda la femme de l’allemand. Car en fait elle était mariée à un allemand.
Cela se passait au moment où la ville de Biskra ne disposait même pas d’un lycée. Pour ceux désireux de suivre un cursus plus élevé, il fallait se déplacer à Alger ou Constantine. Et là c’est une autre histoire.
Depuis, les temps ont beaucoup changé.  Bien que Biskra dispose de centaines de collèges et lycées, d’une grande université (la 4ème sur le plan national), Les mentalités ont changés cédant la place à une dépersonnalisation de la femme qui trouve en l’université la seule alternative de sortie de chez ses parents. Nos filles sont prises dans un cercle fermé : « Ecole-maison » ensuite « Collège-maison » quand elles ne sont pas mariées assez tôt, elles pourront continuer le cycle « Lycée–maison » et pour les plus chanceuses « Université – maison ».
Finies les images d’antan. On dira qu’elles sont présentes dans diverses activités et dans le monde du travail. Mais la proportion demeure insignifiante. Dans le monde de la musique, elles se comptent sur le bout des doigts. Il en est de même pour le théâtre et le sport pour lequel les parents se font délivrer des certificats médicaux d’incapacité de pratiquer le sport pour éviter à ce qu’elles se mettent en tenue adéquate pour la pratique sportive.
Aujourd’hui, des femmes ont cassé certains tabous et elles ont réussi à intégrer divers corps de métiers tels que la police, la gendarmerie, l’armée de terre, la protection civile, l’agriculture, la mécanique et les arts plastiques, des métiers qui semblaient être exclusivement réservés aux hommes.
Même si leur présence est aujourd’hui un fait, il demeure que la timidité est bien présente et beaucoup reste à faire pour que celles sur lesquelles pèse tout le poids de l’équilibre de la société jouent pleinement le rôle qui est le leur : Etre réellement l’avenir de l’homme.


Abdelhamid Zekri

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