Oran / Travail domestique : mérite –t-il un salaire ?
GROUPE PRESSE ECRITE ORAN / « De la
cuisine au ménage, les femmes dans le monde assument une part du travail
disproportionnée non rémunérée. Rien que les soins et les travaux domestiques
représentent respectivement 10et 39% du PIB » selon l’ONU. Et Pourtant les
gouvernements qui plaident théoriquement pour l’amélioration de la condition de
la femme en milieu socioprofessionnel, n’engagent pas suffisamment d’actions
sur le terrain pour rendre justice à ces millions de femmes dont le travail
impacte l’économie mais qui demeure considéré comme un devoir lié
au statut de mère et épouse.
En effet, les
dernières statistiques contenues dans un rapport de l’ONU-Femmes indiquent que
celles-ci vivent de plus en plus dans la précarité et sont plus exposées à la pauvreté que les hommes. Notamment
celles ne bénéficiant d’aucun revenu, ni retraite, ni protection sociale, en
dépit du travail domestique qu’elles ont
effectué durant leur vie.
Le même
rapport indique que les femmes âgées sont plus susceptibles de ne pas avoir de
retraite. 65% des personnes au dessus de l’âge minimum de la retraite et sans
pension régulière sont des femmes,
contre 35 % d’hommes, soit 200 millions de femmes contre 115 millions
d’hommes. En Algérie la situation de la femme âgée n’est pas enviable même si
le gouvernement semble prendre conscience de la nécessité de remédier à cela.
Prenons
l’exemple de la wilaya d’Oran . Sur les 8689 bénéficiaires de l’allocation de personnes en
difficulté sociale, recensées à la direction de l’action sociale de la wilaya,
5347 sont des femmes. Un chiffre qui se vérifie à travers les nombreux témoignages
que nous avons recueilli de femmes âgées, sans revenus. Précarisées, elles sont
obligées de travailler jusqu’à leurs derniers jours pour se nourrir, se loger
et subvenir à leurs besoins élémentaires.
Khalti
Zahra, vendeuse de vêtements sur le marché informel a le visage marqué par le
labeur. Elle confie avec beaucoup d’amertume qu’elle aurait préféré passer le
restant de sa vie dans le confort familial, entourée de ses petits enfants, à
l’abris du besoin au lieu de végéter dans ces conditions.« Ni époux, ni
retraite, ni enfants sur qui compter, je n’ai personne pour me nourrir »,
a-t-elle confié avec un grand soupire. Même misère endurée quotidiennement par
les femmes squattant les marches impropres de l’entrée du Marché Michelet au
centre ville. Elles sont dans l’attente d’une offre de travail domestique
journalier. Parmi elles, celle qu’on a surnommée Hadja Fatima dont la
dureté de la vie l’a fait vieillir avant l’âge, malgré ses 55 ans. « Cela
fait 20 ans que je vis cette situation. Ce travail me permet à la fois de me
nourrir et nourrir ma mère de 86 ans. Je n‘ai
aucune autre entrée d’argent que le travail domestique. Et pourtant ce n’est guère facile car ça
m’arrive de ne pas recevoir d’offres de travail pendant un mois ou plus. Voyez
bien, ma santé et mon physique affaibli n’arrangent pas les choses».
Idem pour
A.S, une quinquagénaire divorcée, à l’apparence présentable, qui lance un appel de détresse aux pouvoirs
publics pour intervenir auprès cette frange vulnérable dont elle fait partie.
« Celle qui ne peut pas travailler à cause de son âge et qui n’a pas de
retraite ni d’enfants, doit –t-elle mourir dans la précarité et l’oubli ?» s’interroge-t-elle. Quant à
Meriem, l‘entrée en vigueur du fonds des femmes divorcées pourrait soulager un
tant soit peu sa peine. «Si on pouvait obtenir rien qu’une pension de
10.000 DA, vous ne me reverrez plus à cet endroit que je ne souhaite à aucune femme»
dit –t-elle.
Cette détresse,
partagée sans doute par des milliers de femmes, a emmené les pouvoirs publics à
réfléchir sur un mécanisme législatif permettant aux femmes âgées sans revenus,
ni prise en charge familiale, de bénéficier d’une allocation de 12.000 da par
mois. Un projet de loi a d’ailleurs été élaboré en 2010 et modifié en 2016, qui
n’a toutefois pas encore été adopté.
Un reportage d'Amel Saher, Lamia Bidi, Mohamed Boukaboura
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